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Soumis par Louis-Alexandr… le ven 26/02/2016 - 13:53

Organisation : Théâtre des Petites Lanternes
Responsable de l’atelier : Mme Angèle Séguin, auteure, metteure en scène et directrice artistique du Théâtre des Petites Lanternes

OCPM3C

« La grande responsabilité artistique c’est de prendre les paroles, les élever pour nous amener vers une vision qui peut ouvrir les imaginaires pour créer autre chose », Angèle Séguin.

Le projet présenté était celui de La Grande Cueillette des mots, un exercice de participation citoyenne mis en œuvre par le Théâtre des Petites Lanternes.

Le Théâtre des Petites Lanternes

Créé en 1998, le Théâtre des Petites Lanternes (TPL) est une compagnie professionnelle sherbrookoise de théâtre qui défriche de nouvelles voies de création, afin de lier le travail artistique et rencontre avec les collectivités. La recherche et le développement de nouvelles approches et méthodologies de création sont donc au cœur de leurs réflexions artistiques. « Notre théâtre a un enjeu de participation citoyenne et la participation citoyenne fait partie de l’Art », soutient Angèle Séguin, directrice artistique du Théâtre des Petites Lanternes.

À travers son contact direct avec la population, l’équipe artistique du TPL recevait des échos d’un malaise citoyen. Malgré des initiatives de consultation à divers niveaux (travail, regroupements sociaux, municipalité), une partie du public ne se reconnaissait pas dans les résultats, ne se sentait pas entendue, ne croyait pas que ses paroles pouvaient être porteuses de sens et de transformation.

Le rôle des arts dans la création d’un nouvel espace de dialogue

Le Théâtre des Petites Lanternes croit fondamentalement à la capacité des arts de contribuer à la transformation de la société, « nous savons aussi dans quelle mesure les citoyens que nous côtoyons contribuent à l’évolution et à la transformation de notre Art » explique Mme Séguin. « C’est cet entrechoquement qui nous intéresse et très souvent nous sort de notre zone de confort » poursuit-elle.
La Grande Cueillette des mots est née en 2007 de cette rencontre entre le théâtre et la collectivité, entre le désir de l’artiste de prendre la parole et celui du citoyen d’être aussi entendu. « Ce n’est pas une enquête sociologique, c’est un geste d’écrivants, un voyage dans un univers à la fois intime et universel » clarifie sa créatrice.

Le projet de La Grande Cueillette des mots trouve sa popularité au Québec et au Canada. Elle a, entre autres, été utilisée à Sherbrooke, à Lac-Mégantic et au Nouveau-Brunswick. Propulsée à l’échelle internationale à Hong Kong en 2007, à Londres en 2008, au Brésil 2010 et en Haïti 2010-2013, la méthodologie de la Grande Cueillette des mots a été utilisée en plusieurs langues et montre l’espace que peuvent occuper les arts de la scène dans le développement. D’un pays à l’autre, inspirée des contextes, des artistes et de la parole des écrivants, la formule a connu des transformations. « Quand on met la parole du citoyen dans la dramaturgie, on montre le pouvoir créateur de la communauté », explique Angèle Séguin. [http://petiteslanternes.org/creations-artistiques/la-grande-cueillette-des-mots/].

La démarche

Étant une forme de médiation culturelle, l’OCPM classe cette pratique dans la catégorie de la consultation, car elle est un processus initié conjointement avec des acteurs de la société civile qui transmet la voix directe des citoyens en ce qui concerne les enjeux d’importance. Mme Séguin considère sa pratique autrement. Pour elle La Grande Cueillette des mots est plus qu’une consultation parce que le cadre est ouvert. La Grande Cueillette des mots prend sa source dans des écritures livrées anonymement dans un Carnet de paroles par des citoyens et des citoyennes, à partir de thèmes d’écriture établis par l’équipe artistique et le milieu.

Au fil des ans, le TPL a été invité par divers milieux ou associations. Ensemble, ils travaillent à ce que le processus créateur puisse être porteur de sens et de transformation, tant pour la communauté que pour les artistes. Lorsqu’elle est invitée, l’équipe artistique demande qu’un Comité de Pilotage, constitué de sept à dix différents acteurs du milieu, porteurs du projet, soit mis sur pieds. S’entame alors un dialogue continu entre l’équipe artistique et le milieu afin d’identifier ce sur quoi portera le Carnet de paroles. Le rôle du comité est majeur car, durant la durée du projet, il offrira à l’équipe artistique des directions et un accompagnement.

Dans le cadre d’ateliers d’écriture animés par des comédiens et comédiennes, les gens de la communauté sont invités à écrire. Ces ateliers permettent une parole spontanée, intime et libre. Les participants écrivent leur vision, leurs rêves, leurs réflexions. Des centaines de personnes peuvent participer à ces ateliers. « Ça vient mettre à l’épreuve la démocratie », confie Mme Séguin.

Par la suite, les artistes ont la responsabilité de condenser le contenu des carnets, de rédiger un texte qui s’en inspire fortement et de porter ces histoires à la scène. « Elle [la parole] est ordonnancée, rythmée, structurée par un auteur, mais elle n’est pas remise en question, d’aucune manière », explique Mme Séguin. Si le processus de condensation prend près de deux semaines, l’écriture, elle, peut prendre plusieurs mois avant d’arriver à un premier jet de travail.

Après la représentation de la pièce, les textes condensés sont remis au Comité de pilotage qui peut retourner y puiser les réflexions des participants. Il appartient à chacun d’en tirer ses réflexions et ses actions.

Finalement, Mme Séguin lance le défi d’être visionnaire dans nos rôles et milieux, et transmet le message que les arts peuvent nous être utiles pour créer demain et ouvrir nos imaginaires. Pour ce, « il faut les outils pour écrire et l’ouverture pour entendre », conclut-elle.

Angèle Séguin, dans ses mots :

À quels défis fait-on face en participation citoyenne ?
« À tort ou à raison, nous constatons que nous sommes dans un monde, ici ou à l’international, où nous ne croyons plus dans nos représentants, où nous n’avons plus l’impression que ce qui est traduit sur la place publique nous représente. […] Si nous voulons sortir de cette rhétorique-là, il faut que nous acceptions de sortir de notre zone de confort. […] Tant que nous n’accepterons pas d’en sortir et d’accepter que ça puisse nous amener sur une autre voie totalement différente, tant que nous n’accepterons de prendre de nouvelles voies, nous ne changerons rien. Nous nous engagerons dans un mouvement perpétuel de faire des consultations qui ne serviront qu’à documenter que nous avons raison ».

Qu’est-ce qui vous inspire ?
« L’humain m’inspire. Sa capacité de dire, de surmonter les épreuves, d’oser de nouvelles choses… Ce qui m’émeut par-dessus tout, c’est d’entendre le crayon qui glisse sur le papier, le silence sacré des gens qui écrivent et la confiance qu’ils nous font lorsqu’ils nous remettent leur Carnet. Les gens nous livrent des choses qu’ils ne disent jamais ailleurs. À chaque fois je me dis, mais comment se fait-il, dans une ère où nous avons accès à tant d’outils de communication, qu’ils ne puissent pas dire tout ce qu’ils écrivent ? Pourquoi ce silence ? »

Qu’est-ce qui fait en sorte que les gens réagissent si fortement à cette méthodologie ?
« [À travers le projet de La Grande Cueillette], face à un Carnet de paroles, il y a un alignement de la personne dans son entièreté […] et quand nous mettons tous ces Carnets ensemble et que nous condensons, c’est un battement humain que nous entendons. Et ce battement nous dit quelque chose. […] Je ne dis pas que ce qui est écrit est heureux, je dis que c’est un moment privilégié, un moment d’élévation pour nos cœurs et nos esprits qui nous permet d’espérer en la capacité de l’humain à se relever, à se transformer. Alors c’est privilégié de pouvoir être là, de contribuer à cela. »

Qui sont vos alliés dans ce processus ?
« Les premiers alliés sont les artistes du TPL qui travaillent avec nous et qui sont d’abord des citoyens aussi. Mais seuls, nous n’y arriverions pas. Il y a aussi la communauté avec laquelle nous nous apprêtons à travailler […] Je ne pense pas que tout le monde peut faire de l’art de la même façon, mais je pense que tout le monde a une dimension créatrice et si nous la conjuguons à notre travail artistique, c’est là que nous pouvons réinventer les choses. »

Qu’est-ce que la médiation culturelle ?
« C’est la rencontre et ce que ça suscite comme dialogue et comme réflexion mutuelle et comme transformations possibles. »

Pour en savoir plus

  • Théâtre des Petites Lanternes
  • Documentaire : « L’artiste, l’œuvre, le citoyen »
    « Comment rendre accessible la culture ? Comment susciter la participation culturelle ? Comment rejoindre ces adolescents, ces immigrants, ces populations défavorisées afin de créer de véritables rencontres entre les artistes, les œuvres et la population ? » Réalisé par Étienne Hansez, en collaboration avec Luc Bourdon, ce documentaire présente cinq projets de médiation culturelle à Montréal.
  • Culture pour tous
    Organisme indépendant à but non lucratif dont la mission est de contribuer à la démocratisation de la culture au Québec en favorisant la participation citoyenne à la vie culturelle. Il a créé le Lab culturel [http://planculturelnumerique.culturepourtous.ca/lab-culturel] qui accueille des projets innovants dans le secteur du numérique.
  • Médiation culturelle à la Ville de Montréal
    Ce site vise à favoriser la participation des Montréalais et l’accès à la culture pour tous. Il contient des onglets présentant des projets ainsi que des études sur la médiation culturelle.
  • Politique de développement culturel pour la Ville de Montréal
    En 2005, une consultation publique a été tenue, car l’administration municipale souhaitait doter Montréal d’une Politique de développement culturel. Consultez le rapport final de la consultation ainsi que les documents de référence.

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