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Soumis par Louis-Alexandr… le ven 26/02/2016 - 14:13

Organisation : Parole d’excluEs
Responsables d’atelier : Isabel Heck, chercheure en milieu communautaire et Patrice Rodriguez, le fondateur et coordonnateur général

OCPM3C

Parole d’excluEs est un organisme sans but lucratif (OBSL) qui œuvre à la transformation sociale en mobilisant les citoyens en situation de pauvreté et d’exclusion sociale auprès de tous les acteurs de la société afin de promouvoir la dignité et le développement de leur plein potentiel.

Pour réaliser leur objectif de transformation, en premier lieu Parole d’excluEs (PE) accompagne les résidents dans une étude de leurs besoins et aspirations. Selon des techniques détaillées dans le texte ci-dessous, PE fait dialoguer des citoyens avec des chercheurs et des intervenants communautaires. Après une validation des résultats de l’étude en assemblée publique, PE appuie les résidents pour mettre en œuvre les projets, actions ou revendications qui auraient été identifiés. Par exemple, Parole d’excluEs a déjà mis en œuvre des projets en sécurité alimentaire, en intégration en emploi et pour lutter contre l’exclusion numérique.

Au cours du processus, une structure indépendante prenant la forme d’un comité de citoyens est constituée. PE le traite comme un partenaire au même titre que les autres organismes, et ne se prononce pas sur ses priorités ou ses décisions. Au contraire, PE le soutient afin qu'à long terme, il devienne autonome au niveau organisationnel.
 
L’OCPM lie cette pratique à celle de la concertation puisqu’à travers son approche, PE fait dialoguer les savoirs et expériences des citoyens, de chercheurs et de divers acteurs sociaux dans le but de collaborer à la mise en place de solutions. C’est une démarche à long terme qui requiert une bonne capacité de mobilisation de gens du milieu et des techniques d’animation de dialogue aiguisées. Elle est utile lorsque l’acceptabilité sociale est primordiale et que la contribution de plusieurs acteurs est recherchée.

L’entrevue suivante avec Patrice Rodriguez présente les techniques de PE pour rendre des processus de prise de parole et de décision plus inclusifs. L’approche intéressera ceux et celles qui interviennent en amont d’un processus de planification de participation citoyenne.

Les ressources présentant votre travail font souvent référence à la notion de « croisement des savoirs ». Qu’est-ce ?
« L’idée étant que le savoir sur lequel on travaille est composé de trois dimensions :

  • le savoir expérientiel, qui est le fait de vivre une situation 24 h / 24, qui n’a rien à voir avec le diplôme;
  • le savoir professionnel, qui est acquis à travers un travail ou un métier;
  • le savoir universitaire, qui est le seul reconnu et mesuré avec des diplômes et des titres.

À partir du moment où ce concept est posé, PE reconnaît deux choses : le respect du savoir et de la compétence de chacun, car chaque savoir a sa valeur; et il n’y a pas de hiérarchie. Les savoirs ne sont pas interchangeables, mais complémentaires. »

Parlez-nous de la dynamique entre les savoirs. En pratique, comment fait-on pour créer des espaces égalitaires ?
« Il y a un défi majeur. À l’intérieur du croisement des savoirs, il y a des rapports de pouvoir qui se manifestent de façon très simple. Quand on parle avec les citoyens, très vite ça ressort. Si on est dans une réunion et qu’on est les trois niveaux ensemble, et puis qu’un chercheur parle, les autres ne parleront pas. Ce rapport de pouvoir, la façon qu’on a trouvé de le contrer c’est de créer des lieux séparés.

Par exemple, quand [PE] a fini l’étude sur les besoins et aspirations dans le nord-est de Montréal-Nord, on a fait une assemblée publique pour faire valider par la population. […] Seuls les citoyens avaient le droit de s’exprimer. Les intervenants pouvaient venir mais ils n’avaient pas le droit de parole. »

Note de l’auteure : Parole d’excluEs fait ici une distinction entre « citoyen » et « intervenant » dans un quartier car,  par son rôle, l’intervenant-résident peut difficilement détacher son intervention du mandat de son employeur, ce qui est différent du citoyen qui vit une situation de discrimination, mais qui n’est attaché à aucune structure.

« Dans un deuxième temps, on a fait une deuxième assemblée mais avec les intervenants où la question était «vous avez vu ce que les citoyens ont validé, comment vous voyez les défis que ça pose? ». Et après notre travail c’est de faire dialoguer la lecture des citoyens et la lecture des intervenants. »

Quels conseils pratiques avez-vous pour ceux qui voudraient mobiliser une plus grande diversité de gens?

  1. Séparer les trois savoirs permet de voir comment notre rapport à la matière, à la connaissance et à la parole est différent. Ceci transparait dans les débats. Cette différence n’est pas un problème, le problème c’est de le nier. Quand on le sait, on est capable de prendre des mesures correctives très concrètes. Les raccourcis sont dangereux.
  2. L’aménagement physique de l’espace. L’auditorium ne se prête pas aux discussions puisque les gens ne se voient pas. Le mode circulaire permet un meilleur échange.
  3. Techniques d’animation. Il faut être capable d’aller chercher les gens qui s’expriment moins, maintenir un équilibre pour que les gens ne se sentent ni brimés dans leur expression, ni mis de côté parce qu’ils ne peuvent pas s’exprimer.
  4. Pour que la population qui vit la pauvreté et l’exclusion s’approprie un processus, il faut qu’elle soit partie prenante comme acteur et non pas sujet à toutes les étapes. De cette manière,  les participants identifient le besoin, et dans la mise en œuvre, ils s’assurent que ce qui ressort est conforme au départ.

Quelle est votre lecture des enjeux actuels à Montréal-Nord ?
 Mon impression c’est qu’on est en train, à Montréal-Nord, de vivre un changement culturel dans la façon d’aborder ces questions [de participation citoyenne]. […] Je suis très optimiste, j’ai l’impression qu’on est dans un virage. Évidemment, tout le monde n’adhère pas, ce n’est pas ça qui est important. Ce qui est important c’est de voir qu’autour, il y a un changement, une adhésion et une vision. On sent une volonté et, plus qu’une volonté, des actions qui veulent redéfinir le rôle citoyen, pour redonner du pouvoir, se mettre dans un rapport différent de partenariat d’accompagnement avec le citoyen pour qu’il devienne acteur à part entière. »

Quel rôle voyez-vous pour l’Office de consultation publique de Montréal dans les cinq prochaines années ?
« Créer des espaces […] où l’on pourrait débattre de ces questions [de participation] et du dialogue entre institutions publiques (arrondissement, ministère), la société civile (organisations et autres) et citoyen. Cette co-construction, est-ce qu’elle se fait?  Comment se fait-elle? Être un lieu de réflexion et d’échange pour que ça avance concrètement, pour amener à aller plus loin dans les pratiques. De le faire sur tous les territoires avec des spécificités et des réalités sociales et culturelles très différentes. »

Pour en savoir plus

  1. Le rapport de recherche sur les besoins et aspirations des citoyens du Nord-Est de Montréal-Nord, ou le résumé synthèse du rapport. Voir http://parole-dexclues.ca/sites/nord-est-de-montreal-nord/ ou https://iupe.files.wordpress.com/2015/04/etude_besoins_aspirations_citoyens_-nord-est_montreal-nord.pdf 
    Il offre un exemple pratique de la démarche de Parole d’excluEs,
  2. Rapports de recherche l’Incubateur universitaire Parole d’excluEs et Blogue de l’Incubateur
    Créé en 2007, l’Incubateur universitaire Parole d’excluEs se veut un lieu de réflexion quant aux questions soulevées par les démarches de Parole d’excluEs. Il met aussi en œuvre une méthodologie de recherche qui implique un processus de co-construction des connaissances et de croisement des savoirs.
  3. L’Accorderie est un système d’échanges de services de toutes sortes entre individus membres dans le but de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
  4. La Société d’habitation populaire de l’Est de Montréal (SHAPEM) dont la mission consiste à participer à la revitalisation et à la dynamisation urbaine et sociale de l’Est de Montréal
    3990, Sherbrooke Est, Montréal, QC, H1X 2A8 / Tél.514-522-3190 / shapem@videotron.ca

Projets qui allument Patrice Rodriguez

Les initiatives qui abordent la sécurité alimentaire, dans une réflexion de système alimentaire qui intègre un ensemble et non pas sous l’angle de projet :

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