Aller au contenu principal

Bridge-Bonaventure

<h2>Visite Virtuelle</h2>

 

Visite exploratoire sur le thème du patrimoine - Capsules sur les points d'intérêts

Dans le cadre de la consultation publique sur l’avenir du secteur Bridge-Bonaventure, l’OCPM a voulu faire découvrir le territoire en organisant deux visites exploratoires sous le thème du patrimoine. La recherche et l’animation des deux visites qui ont eu lieu les 15 juin et 6 juillet 2019 ont été réalisées par Bernard Vallée de l’organisme Montréal Explorations. Le présent document est un résumé en textes et en images de ces visites, rédigé par Bernard Vallée et n’engageant que lui.

 

1. Canal de Lachine

Construit entre 1821 et 1825, le canal de Lachine est à la tête d'un réseau de canaux reliant le cœur du continent à l'océan Atlantique par la voie des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Précurseur de la révolution des transports au Canada au début du XIXe siècle, le canal de Lachine a également joué un rôle déterminant dans le développement industriel et commercial de Montréal, entre autres comme, source d'approvisionnement importante en énergie hydraulique.

Il a été approfondi et élargi deux fois : entre 1843 et 1848 quand on va autoriser l’utilisation de la force de l’eau pour alimenter les premiers ateliers industriels, puis entre 1873 et 1885, quand on a doublé les écluses pour faciliter le trafic maritime.

Le corridor industriel du canal de Lachine fut l'un des principaux centres de production manufacturière au Canada depuis les débuts de l'industrialisation au milieu du XIXe siècle jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale.


Dès 1921, les autorités concluent que le canal de Lachine, prisonnier de la dense zone industrielle qu'il avait engendrée, ne pouvait plus être élargi pour accommoder des bateaux de gabarits plus importants. Le canal continuera de fonctionner jusqu’à ce que l'ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent en 1959 le rende obsolète. Son embouchure dans le Vieux-Port est remblayée en 1967, puis est complètement fermé à la navigation en 1970. Une partie de ses bassins et écluses sont remblayés.

Le canal est intégré au réseau des lieux historiques nationaux administrés par Parcs Canada dès le milieu des années 1970. Une piste cyclable est aménagée sur les berges et les deux premières écluses sont partiellement excavées (1984). En 1997, le gouvernement fédéral, les municipalités riveraines, ainsi que divers partenaires du milieu s’engagent dans un ambitieux projet de revitalisation du canal, dont la première phase de réalisation est marquée par l’excavation du bassin Peel (2001), la restauration d’une partie des écluses et le retour de la petite navigation de plaisance, en 2002.

 

2. Quai de la Pointe-du-Moulin

Lors des travaux d’élargissement et d’approfondissement du canal de Lachine (1843-1848 et 1873-1885), on aménage un quai avec la terre déblayée; il prolonge l’ancienne pointe sur laquelle des moulins à vent avaient été établis dès le début du XVIIIe siècle. Il sera rehaussé lors des grands travaux de réaménagement du port au début du XXe siècle. On va y édifier par étape un gigantesque silo à grain qui sera en activité de 1903 à 1995.

Au bout du quai de la Pointe-du-Moulin, on retrouve une œuvre en fonte modulaire monumentale du grand sculpteur Robert Roussil, commandée en 1973 pour le terrain de la Tour de contrôle routier, au-dessus de l'autoroute Ville-Marie, sur la rue Viger Ouest, et déménagée en 1997 à son emplacement actuel. À partir de ce belvédère, la vue sur le Vieux-Port de Montréal et le Vieux-Montréal est exceptionnelle et laisse imaginer celle qu’on aurait du haut du silo no 5 s’il devenait accessible au public.

 

3. Silo no 5

Le silo no 5 faisait partie d’un ensemble de silos à céréales disposés le long du port, du canal de Lachine au quartier Maisonneuve. Ils permettaient d’entreposer le grain amené par le chemin de fer des grandes plaines céréalières de l’Ouest canadien et de le transborder sur les bateaux à destination de l’Europe. Grâce à ces équipements, le Port de Montréal devient, à la fin de la Première Guerre mondiale, le plus grand port céréalier d’Amérique du Nord.

Des trois élévateurs construits dans le Vieux-Port avant 1910, seul celui-ci subsiste, bien qu’il ait cessé ses activités en 1995. La manutention des céréales a considérablement baissé dans le Port de Montréal, le commerce du grain se faisant de plus en plus vers l’Asie par les ports de la côte ouest. Les trois bâtiments et les équipements liés qui constituent le silo occupent plus de la moitié de la Pointe-du-Moulin et reposent sur la partie artificielle de la jetée.

Le plus ancien bâtiment, achevé en 1906, est construit pour la compagnie du Grand-Tronc sur un premier niveau en brique, d'où s'élèvent de hauts murs de plaques d'acier rivetées, innovation de l’ingénierie qui permettait de protéger les silos en cas d’explosions dues au méthane. À l'ouest se trouve une annexe, construite en 1913 et 1914, puis agrandie en 1923 et 1924. Cet édifice est constitué principalement de 60 silos circulaires en béton armé. Le troisième bâtiment, érigé entre 1957 et 1959 et également composé de cylindres en béton armé, est le plus imposant avec ses 185,6 mètres de long, ses 14 mètres de large et ses 66,4 mètres de hauteur. Un impressionnant réseau de convoyeurs aériens et de galeries complète l’ensemble.

En 1995, les limites de l'arrondissement historique du Vieux-Montréal ont été étendues, permettant d'y inclure le complexe du silo à grain no 5. Le Bureau d’examen des édifices fédéraux du patrimoine (BEÉFP) désigne le Silo no 5 édifice patrimonial reconnu en 1996. Après de nombreuses propositions de réaménagement formulées depuis le début des années 2000, la Société immobilière du Canada, propriétaire du site, a fait un appel de propositions au début de 2019 pour « la réalisation d’un projet novateur de réaménagement à la Pointe-du-Moulin, afin de contribuer au développement et au rayonnement de Montréal, tout en mettant en valeur le patrimoine et l’importance de ce site historique ».

 

4. Minoterie ADM

Des premiers moulins à vent des prêtres sulpiciens, les seigneurs de l'île de Montréal, à la grande minoterie Archer Daniels Midland (ADM) d'aujourd'hui et son enseigne emblématique, c'est plus de trois siècles d’activités liées à la fabrication des farines, au même endroit, la Pointe-du-Moulin, le long de la rue Mill, entre le fleuve et le canal de Lachine. Un haut lieu du patrimoine industriel toujours très vivant.

Les premiers moulins utilisant l’énergie hydraulique s’installent à la Pointe-du-Moulin, en amont des dernières écluses, là où la chute d’eau est la plus importante du canal de Lachine (8 mètres). On y trouve d’abord en 1859 la Royal Mills, achetée en 1886 par la famille Ogilvie, déjà dans la meunerie depuis 1801. Elle achète aussi la City Mills voisine en 1891. La minoterie est vendue en 1900 et poursuit son exploitation sous le nom de Ogilvie Flour Mills Company Limited. Entre 1941 et 1945, la compagnie remplace ses vieux bâtiments de la rue Mill datant de 1886 et rendus désuets. Elle fait appel à l’architecte et ingénieur Ernest Cormier pour ériger un immense complexe moderne fait de silos en béton armé et d’un élégant immeuble de brique de dix étages. En 1996, la minoterie devient la propriété d’Archer Daniels Midland (ADM).

Le complexe de l’ancienne Ogilvie Flour Mills est le dernier moulin à farine encore en fonction situé dans le Vieux-Port. Une des rares œuvres industrielles conçues par le grand architecte Ernest Cormier.

 

5. Enseigne lumineuse

Une enseigne lumineuse, « FARINE OGILVIE FLOUR », est installée en 1948 au sommet de la minoterie haute de dix étages. Elle est modifiée en 1954, « Farine Five Roses Flour », lorsque Ogilvie Flour Mills Limited achète son concurrent Lake of the Woods qui possède la marque de farine « Five Roses ». L’enseigne rouge clignotante à deux faces prend la forme qu’on lui connaît aujourd’hui en 1977, quand on supprime le terme anglais « FLOUR » pour se conformer à la Loi 101. En 2006, après la vente de la marque Five Roses à la compagnie Smucker, on craint qu’ADM ne conserve pas une enseigne qui fait valoir une marque qu’elle ne détient plus. Suite au déclenchement d’un mouvement de sauvegarde, ADM et Smucker ont entrepris d’assurer la pérennité de cette enseigne emblématique de l’entrée de la ville, la première en acceptant son maintien sur l’édifice, l’autre en procédant à sa rénovation et son entretien.

6. Autoroute Bonaventure

L’autoroute Bonaventure fut construite en 1966 afin d’offrir une troisième voie d’approche au pont Champlain, voie qui permettrait aux véhicules d’aller vers le centre-ville et constituerait la principale voie d’accès au site de l’Expo 67. Elle demeure aujourd’hui une importante entrée de ville. Mises au service du désengorgement des centres-villes et du développement des nouvelles banlieues, ces infrastructures de béton étaient érigées sans considération pour l’échelle humaine et ont, dans la plupart des cas, mené à une déstructuration du tissu urbain et à un isolement des secteurs riverains. Certains estiment que, plutôt que de régler les problèmes de congestion dans les quartiers centraux, ces autoroutes ont probablement contribué à les amplifier en facilitant un étalement urbain qui participait à l’accroissement du parc automobile.

La partie entre le pont Champlain et le canal de Lachine appartient au gouvernement fédéral, alors que celle allant du canal de Lachine à la rue Notre-Dame est la propriété de la Ville de Montréal.

Plutôt que d’investir pour prolonger la vie utile de cette structure sur pilotis construite en 1966, la Ville a choisi de la remplacer par un boulevard urbain au niveau du sol. Cette opération d’envergure, qui constitue le cœur du Projet Bonaventure, doit permettre de renouveler une entrée majeure du centre-ville et contribuer à retisser les liens entre les secteurs adjacents. Le chantier du Projet Bonaventure a débuté au mois d’octobre 2011. L’ensemble des travaux relatifs aux infrastructures, aux rues, aux trottoirs et aux lieux publics ont été exécutés et inaugurés en septembre 2017.

 

7. Ateliers du canal de Lachine

Dès les années 1870, le gouvernement fédéral s’est réservé un espace adossé à la rue Riverside pour sa base d’entretien pour le canal de Lachine. Si les bâtiments datant de la première phase des ateliers ont disparu pour permettre le passage de l’autoroute Bonaventure, il reste six édifices, encore utilisés pour l’entretien du canal, dont les dates de construction s’étalent de 1909 à 1955. D’inspiration classique, mais de facture modeste, ces édifices témoignent d’une fonction inchangée pendant 150 ans.

 

8. Station de pompage Riverside

Les inondations récurrentes dues aux embâcles printaniers, durant le XIXe siècle, causent des dommages considérables aux secteurs urbanisés de l’ouest du Vieux-Montréal actuel et du quartier ouvrier de Griffintown. Dès 1841, on construit dans le Port des murs de protection contre les inondations le long du fleuve; ils seront haussés en 1890.

Suite à l’inondation record du printemps 1886, la Ville de Montréal prend les moyens pour enrayer ce fléau en planifiant des mécanismes pour retenir ou écouler les surplus d’eau. Trois constructions municipales voient ainsi le jour en 1887 : la levée Saint-Gabriel à Pointe-Saint-Charles, aujourd’hui démolie, ainsi que les stations de pompage Riverside et Craig qui, situées en bout de ligne du réseau de l’époque, permettent de pomper l’eau excédentaire dans le fleuve via l’égout collecteur. Plus tard, entre 1891 et 1898, on construit la jetée Mackay qui complète le dispositif en séparant le Port des glaces en mouvement du fleuve. La station de pompage Riverside est un témoin significatif de l’histoire du réseau d’aqueduc et d’égouts de la Ville de Montréal, l’un des plus anciens en Amérique du Nord. Elle est l’œuvre des architectes de renom Perreault et Mesnard, qui ont surtout œuvré en architecture institutionnelle et religieuse, et constitue leur seul ouvrage de services publics.

Après sa fermeture à la fin des années 1980, l’édifice est loué, entre autres, à un atelier de sculpture. En 2002, l’organisme sans but lucratif Les Forges de Montréal, un centre d’interprétation et de formation professionnelle sur la ferronnerie d’art et la forge, loue les espaces de l’ancienne station de pompage.

Si l’équipement lié à la fonction de pompage n’existe plus, l’occupation continue de l’édifice par des activités socialement et culturellement pertinentes et compatibles avec le site a permis sa conservation et sa mise en valeur.

 

9. Canada Maltage

Fondée en 1902, la Canada Maltage Company Limited quitte le bord du canal de Lachine à Saint-Henri pour s’installer au bout du quai Bickerdike en 1963 afin d’avoir un accès direct aux installations portuaires océaniques, alors qu’on envisage de fermer le canal à la navigation. L’usine de transformation de l’orge comprend d’abord 27 silos de béton, auxquels on ajoute 12 autres en 1970 pour l’entreposage du grain qui arrive par train des Prairies canadiennes. Les autres édifices sont consacrés à la transformation de l’orge en malt. Un convoyeur aérien permet d’acheminer le malt vers le quai d’expédition par camion, par wagon, ou dans des conteneurs océaniques.

 

10. Ancien chantier naval Montreal Dry Docks

Le premier chantier naval sur le site, le chantier Tate, a été en fonction à partir de 1851 et sera repris par le gouvernement fédéral en 1896. Peu avant 1914, la Hall Engineering devient la nouvelle propriétaire et opère la cale sèche sous le nom de Montreal Dry Docks. La Canadian Vickers rachète l’endroit et poursuit son exploitation, tout en conservant le nom de Montreal Dry Docks jusqu’à la fermeture du canal en 1970. Deux bâtiments construits entre 1940 et 1950 demeurent sur le site et témoignent de la présence d’un chantier naval en activité pendant 120 ans. Enfouis, les vestiges du chantier naval comprennent une écluse, un grand bassin et deux cales sèches.

 

11. Bassin de retournement Peel

Le bassin Peel était autrefois un lieu clé du transbordement des navires océaniques. En raison de sa profondeur (6 mètres) et de son gabarit, le bassin Peel constituait un bassin dit de retournement et permettait aux navires océaniques de s’y avancer. En plus du couloir navigable du canal, ce secteur comportait plusieurs cales, bassins et quais latéraux liés aux fonctions portuaires et de transbordement.

Ce havre, comme une annexe du Port, forme un triangle dont deux sommets sont reliés au canal et le troisième à un déversoir. Ce déversoir, aménagé en 1851 avec une chute d’eau de 8 mètres environ, générait l’énergie hydraulique qui a permis le développement du premier secteur industriel du canal de Lachine sur la jetée Windmill Point (Pointe-du-Moulin) qui séparait le canal du fleuve, tout proche à l’époque.

Les transatlantiques étaient déchargés le long des quais et les marchandises déposées dans les laquiers qui poursuivaient ensuite leur route vers l’intérieur, alors qu’ils pouvaient se retourner et reprendre la route vers l’océan.

Les bassins de la rue Peel, déblayés au début des années 2000, étaient appelés bassins à farine. Construits avec la première extension du canal, ces deux bassins de 33 mètres de large servaient au transbordement du grain et de la farine destinés à l'exportation.

Le bassin Wellington était le plus imposant du canal, avec une longueur de 381 mètres et une largeur de 68 mètres, et le plus profond. Construit en 1879, il est aujourd'hui presque complètement remblayé et le terrain inutilisé. Cet emplacement, à proximité immédiate des gares de triage et ateliers du Grand Tronc (puis Canadien National), en faisait le point de transfert intermodal par excellence. Ses quais servaient au déchargement du charbon, seconde cargaison en importance transbordée au canal après le blé.

Le secteur du bassin Peel compte donc de grandes superficies de terrains, de quais et de berges encore inutilisés ou aménagés de façon minimaliste. De plus, il offre un paysage unique d’où l’on peut observer le centre-ville de Montréal et des symboles emblématiques du patrimoine industriel tels que le silo no 5 dans le Vieux-Port de Montréal, les ponts du CN et la minoterie arborant sa célèbre enseigne « Farine Five Roses ».

Depuis 1966, le bassin est traversé en hauteur par l’autoroute Bonaventure, une des portes d’entrée principales au centre-ville de Montréal. On procède actuellement à la réfection de cette portion d’autoroute.

Parcs Canada compte développer un plan-concept d’aménagement du bassin Peel d’ici 2021 et lancer un appel de propositions pour animer le lieu d’ici 2022.

 

12. Le site de l’ancien bassin Wellington et alentours

Propriété de la Société immobilière du Canada (SIC), ce secteur de 8,5 hectares comprend le site de l’ancien bassin Wellington, le site de l’ancienne Dominion Coal Company occupé aujourd’hui par une minoterie et son silo depuis 1966 (d’abord Maple Leaf Mills et aujourd’hui, jusqu’en 2024, Parrish & Heimbecker) et le site de l’ancien Montreal Dry Docks.

Le secteur, constitué de grands espaces vacants, d’édifices peu occupés ou d’une entreprise en fin de bail, est particulièrement convoité. On se souvient qu’en 2005-2006, un projet de déplacement du Casino de Montréal à cet emplacement a été présenté, au cœur d’un complexe d’hôtels, d’un port de plaisance et de salles de spectacle intérieure et extérieure pouvant accueillir de 2 500 et 10 000 personnes, auquel le Cirque du Soleil était associé. La mobilisation citoyenne et un rapport gouvernemental vont mettre fin au projet estimé à un milliard de fonds publics.

C’est en effet un site à fort potentiel de développement, compte tenu de sa localisation au bord du canal devenu espace vert et bleu, aux portes du centre-ville et à proximité d’une future gare du REM. Jusqu’ici, plusieurs intentions d’aménagement se sont fait connaître, allant de la construction d’un stade de baseball à l’établissement d’un quartier complet de logements accessibles et sociaux. Depuis 2013, la Société immobilière du Canada appelle les promoteurs à soumettre des projets. En 2019, la Ville de Montréal exerce son droit de préemption sur le site. Cela signifie que la Ville pourra égaler toute offre d’achat sur ces terrains et les acquérir pour le même prix qu’un investisseur privé.

Le bras d’eau qui reste de l’immense bassin Wellington est aujourd’hui occupé par une très laborieuse famille de castors et sert de barboteuse pour une volée de canards…

 

13. Ancienne caserne de pompiers no 21

En 1912, la Ville de Montréal fait construire une caserne de pompiers au cœur du quartier des abattoirs, des usines de transformation de la viande et du quartier résidentiel de Victoriatown (Goose Village). L’édifice et sa superbe façade néogrecque sont l’œuvre des architectes Finley & Spence.

Inoccupé après 1972, le bâtiment est rénové en 1986 et loué à un centre d’art, le Centre des métiers du verre du Québec, centre de recherche, de formation professionnelle reconnue (DEC), ainsi que de promotion et de reconnaissance des arts verriers. L’occupation de l’édifice par des activités socialement et culturellement pertinentes et compatibles avec l’espace en ont permis la conservation et la mise en valeur.

 

14. Rue Mill : ancien secteur du bétail, des abattoirs et des salaisons

À la rencontre du chemin de fer, du canal et du Port, tout un secteur consacré à l’abattage, au traitement et à l’expédition de la viande va se développer à proximité du centre de transbordement et du marché de bétail du Grand-Tronc, de chaque côté de la rue Mill.

Dès 1882, l’Hôtel Exchange et la Montreal Stock Yards s’établissent avec étables, écuries et piste équestre.

Ce centre de commerce de bétail prend de l’expansion et, en 1901-1904, la Laing Packing and Provision y érige une usine de transformation et d’empaquetage de viande. Cet édifice existe toujours; il est l’œuvre de l’architecte William Edward Doran et abrite aujourd’hui des bureaux.

En 1902, la Montreal Stock Yards érige un abattoir, à l’angle des rues Mill et Oak, ainsi qu’un marché et un parc à bestiaux comportant des étables modernes, à l’angle des rues Mill et Bridge. Les deux guerres mondiales vont offrir une période de grande prospérité à cette industrie de la salaison grâce aux exportations vers la Grande-Bretagne. Au milieu des années 1950, la Canada Packers est maintenant propriétaire de la quasi-totalité des entreprises du secteur par achats successifs. Mais l’avantage géographique du site s’effrite avec la croissance irrésistible du camionnage.

En 1989, l’usine Canada Packers est achetée par Maple Leaf Mills. Les deux compagnies fusionnent en 1991, mais cela ne semble pas suffisant pour empêcher la fermeture des installations de la rue Mill quelques années plus tard. La dernière salaison a déménagé à Laval en 2018.

Loto-Québec ayant besoin d’un complexe multifonctionnel comprenant des bureaux, des entrepôts et une garderie pour soutenir les activités du casino du Montréal, récupère les bâtiments de l’ancienne Montreal Stock Yards, à l’angle nord-est de l’intersection des rues Bridge et Mill. En 2000, elle démolit les abattoirs et conçoit un immeuble inspiré par le tissu industriel ancien par l’utilisation de la brique rouge et par son alignement sur la rue Mill. Le nouvel immeuble se nomme Casiloc.

 

15. Rue Bridge : ancien secteur de transbordement du bétail par le Grand-Tronc / CN

Parmi les marchandises transportées par voies ferrée et maritime, le bétail occupe une part importante du transbordement. Au cours des années 1870, le Grand-Tronc réaménage ses installations de la Pointe-Saint-Charles. La partie sud est consacrée aux ateliers de fabrication et d’entretien du matériel roulant alors que la zone nord, le long de la rue Bridge (actuellement terrain de Costco), se voit attribuer une nouvelle fonction de transbordement du bétail. En 1882, le Grand-Tronc organise un marché aux bestiaux. Des étables et des écuries en bois sont construites graduellement pour servir à la manutention des bestiaux. Au cours des années trente, la majorité des bâtiments de bois sont remplacés par trois grands bâtiments en béton armé. À la rencontre du chemin de fer, du canal et du Port, tout un secteur consacré à l’abattage, au traitement et à l’expédition de la viande va se développer à proximité, de chaque côté de la rue Mill.

Le CN complète l’ensemble avec un édifice administratif qui existe toujours le long de la rue Bridge. Abandonné, il est pourtant un des derniers témoins rappelant les activités de commerce de bétail qui ont dominé cet endroit pendant si longtemps.

 

16. Parc d’entreprises de Pointe-Saint-Charles

Le parc d’entreprises de Pointe-Saint-Charles est situé sur un gigantesque remblai gagné sur le fleuve pour y aménager un immense stationnement pour Expo 67.

Dès 1866, une partie de la ferme Saint-Gabriel est utilisée à des fins de dépotoir. Cette vocation ira en s’intensifiant et la Ville va exploiter un dépotoir municipal jusqu’à la limite des eaux. Des années 1930 à 1950, le CN et le Conseil des ports nationaux réalisent le premier empiètement majeur sur le lit du fleuve pour créer l’imposante gare de triage. À partir de 1930, l’extension du dépotoir municipal se fait à même le lit du fleuve, par des remblayages successifs jusqu’en 1966. Pour assurer l’accueil des visiteurs de l’Expo 67, le Conseil des ports nationaux accepte de remplir le fleuve à partir des limites de la gare de triage du CN pour y aménager l’Autoparc Victoria, un vaste stationnement de 15 000 places. On y a laissé déverser des déchets lourds issus des industries pétrolière, chimique et électrique qui se sont notamment débarrassées de leurs boues acides, des vieux condensateurs pleins de BPC et des fonds de distillation saturés de mercure. L’Autoparc Victoria va aussi servir d’éponge pour les terrains industriels situés au nord, particulièrement ceux du CN : toutes formes d’écoulement de produits chimiques, toxiques et hydrocarbures s’accumulent progressivement sous le terrain de stationnement. De son côté, le gouvernement fédéral réalise la construction d’une digue pour y installer l’autoroute Bonaventure afin de relier le centre-ville au pont Champlain par le bord de fleuve.

Après l’Expo 67, le site de l’ancien dépotoir est abandonné jusqu’à ce que le ministère fédéral des Transports y aménage, en 1974, une piste d’atterrissage et de décollage à court rayon (ADAC) pour des avions qui feront la liaison Montréal-Ottawa. L’entreprise rencontre plusieurs difficultés dues à l’instabilité du sol, composé de détritus. Le projet est abandonné au bout de deux ans à cause de problèmes de financement.

Par la suite, le site a été essentiellement utilisé pour l’entreposage de matériaux et comme dépôt à neige, jusqu’à son achat, en 1988, par la Ville de Montréal pour l’aménagement du parc d’entreprises de la Pointe-Saint-Charles. On vise un parc de recherche et de haute technologie. C’est pourquoi la toponymie du secteur honore la contribution à l'avancement scientifique du Québec : Carrie Derick, biologiste et première femme à devenir professeure d’université, Fernand Seguin, vulgarisateur scientifique reconnu et, Marc Cantin, médecin et chercheur renommé.

Au cours des premières années d’exploitation du site, Téléglobe Canada (1994), aujourd’hui TATA Communications, et Bell Mobilité (1996) s’y installent. Puis, en 1999 et 2002, on y construit les phases II et III du complexe cinématographique Mel’s Cité du Cinéma.

 

17. Pont Victoria

Inauguré en 1860, il fait partie des grandes infrastructures de transport qui ont façonné le Sud-Ouest et Montréal. Alors que le Port de Montréal, pris dans les glaces, ne fonctionnait pas l’hiver, le pont Victoria va permettre à la voie ferrée du Grand-Tronc de rejoindre Portland dans le Maine, un port qui fonctionne toute l’année; les exportations canadiennes peuvent ainsi rejoindre l’Europe douze mois par année et relier Montréal au vaste marché continental américain.

Le grand ingénieur anglais Robert Stephenson dessine les plans d'un pont tubulaire en plaques de fer rivetées qui figure parmi les ouvrages les plus audacieux de son époque. Plus de 3 000 ouvriers, pour une bonne part d'origine irlandaise, participent à ce chantier d'une ampleur titanesque. À cause de la nocivité des fumées emprisonnées dans le tube et de la nécessité de doubler les voies, on remplace la structure tubulaire en 1897-1898 par une structure ouverte, plus large, en treillis d'acier avec l’ajout d’une voie carrossable de chaque côté. Lors de son érection, des ouvriers mohawks de Kahnawake y acquièrent une grande expertise du montage en hauteur de structures d’acier, savoir-faire qu’ils utiliseront sur tout le continent jusqu’à aujourd’hui.

 

18. Jetée de la Cité-du-Havre

Composante majeure de la lutte aux inondations, une jetée est construite entre 1891 et 1898. S'élançant de la Pointe-Saint-Charles, à l'entrée du pont Victoria, la jetée s'avançait jusqu'à l'extrémité est de l'actuel Habitat 67. Connue d'abord sous le nom de quai de Garde, cette jetée brise-glace prit ensuite le nom de jetée MacKay. Depuis 1967, elle s'appelle la Cité-du-Havre.

Après l’abandon du site de Pointe-Saint-Charles et le choix de l’île Sainte-Hélène, de battures et d’îlots du fleuve à agrandir par remblais comme terrains de l’exposition universelle de 1967, la jetée Mackay est incluse au plan directeur de l’exposition universelle dès 1963. On établit à la Cité-du-Havre une trame orthogonale de rues et de sentiers placée à 45° par rapport à l’axe de circulation est-ouest de la jetée, l’actuelle avenue Pierre-Dupuy. Le projet Habitat 67 de Moshe Safdie est implanté dans le secteur est de la pointe de la Cité-du-Havre. L’espace laissé libre entre cette construction et les bâtiments de l’administration, de la radiodiffusion, d’Expo-Théâtre et du Musée est comblé par des pavillons thématiques. Lorsqu’Expo 67 se termine, les terrains et immeubles sont distribués entre les gouvernements fédéral, provincial et municipal. Les infrastructures temporaires et les pavillons thématiques sont démolis entre 1968 et 1970; les studios de Radio-Canada sont démolis en 2004 ; Habitat 67 restant seul au bout de l’ancienne jetée MacKay.

À l’entrée du site, le Pavillon de l’administration et de la presse accueille aujourd’hui l’Administration du Port de Montréal; le Pavillon du Génie créateur de l’Homme devient le Musée d’art contemporain; l’Expo-Théâtre devient le studio de cinéma MEL’s 1. Entre les deux, les tours d’habitation Tropiques Nord sont érigées en 1989 et, en 2008, on y construit une autre tour d’habitation, Condo Profil-O. Entre ces édifices résidentiels et l’ancien Musée d’art contemporain qui sert actuellement d’entrepôt à Loto-Québec, un vaste terrain de 22 acres appartient à la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL). Entre habitat 67 et le parc de la Cité-du-Havre (aujourd’hui parc de Dieppe), un plus petit terrain de la SCHL a obtenu de l’arrondissement Ville-Marie le statut de parc à la suite d’une mobilisation citoyenne en 2001-2002. De cette prairie et en passant à l’arrière d’Habitat 67, un sentier mène à la descente vers la vague stationnaire, connue internationalement et qui attire de nombreux surfeurs et kayakistes.

 

19. Administration du Port de Montréal

Le Pavillon de l’administration et de la presse fut le premier bâtiment construit pour Expo 67, et constituait de plus le premier contact des visiteurs avec le site. Le bâtiment a été conçu pour être une structure permanente.

Chacun des trois corps possède une base rectangulaire sur laquelle sont posés en porte-à-faux les deux autres étages de même forme, mais de plus grande taille, de sorte que chacune des ailes prend la forme d’une pyramide inversée. C’est une œuvre des architectes Irving Grossman, Roy Brown et Bernard Gillespie.

On y retrouve la plus grosse maquette au Canada : une réplique miniature du Port de Montréal. Une reproduction de 18 mètres de long par 3 mètres de large. Sans oublier les 350 gallons d’eau, en mouvement, qui symbolisent le fleuve Saint-Laurent.

 

20. Habitat 67

À l'âge de 23 ans, Moshe Safdie conçoit un immeuble d'appartements pour sa thèse d'architecture, à l'Université McGill. Trois ans plus tard, en 1964, le gouvernement fédéral retient son modèle d'habitation audacieux et futuriste pour Expo 67. Selon Safdie, Habitat 67 doit tirer profit de la préfabrication et de la standardisation et devenir un modèle d’habitat collectif, par l’économie d’échelle de sa construction, mais aussi pour la qualité de ses espaces qui garantissent à chacun des aires privées, extérieures et intérieures, l’accès aux services publics et la proximité du centre-ville de Montréal. Faute de financement adéquat, le projet, qui devait compter 950 unités et couvrir une grande partie de l’ancienne jetée Mackay, est accepté dans une version réduite de 158 appartements.

Une fois achevé, il superpose, sur douze étages et en trois pyramides, des appartements composés de l’assemblage de plusieurs des 354 modules de béton, préfabriqués à proximité dans un immense hangar. Des terrasses reposent sur les toits de chacune des unités. Au sein de l'édifice, des ponts, des passerelles couvertes et des allées piétonnes facilitent les déplacements. Des parcs sont aménagés au cinquième et au neuvième palier de l'édifice. Trois ascenseurs disposés à l'arrière des bâtiments permettent d'atteindre les étages.

En 2009, le ministère de la Culture classe Habitat 67 « monument historique ». Il devient ainsi le premier édifice moderne à obtenir cette reconnaissance du gouvernement.

 

21. Parc de Dieppe

Lors de l’aménagement de la jetée Mackay pour la création de la Cité-du-Havre pour Expo 67, la jetée est allongée de 750 mètres et rehaussée de 3 mètres. C’est sur cette partie ajoutée que se trouve le parc de la Cité-du-Havre, aménagé en 1986 et rebaptisé parc de Dieppe en 2017.

Tirant parti de sa localisation sur une pointe s’avançant dans le fleuve plein nord, les architectes paysagistes Jacques Beaulieu et Marc Roger ont aménagé de nombreux belvédères et terrasses permettant d’admirer des panoramas de la ville de Montréal et du Vieux-Port, du pont Jacques-Cartier, des îles Sainte-Hélène et Notre-Dame et des remous du courant Sainte-Marie. L’arrondissement de Ville-Marie a confirmé la vocation de parc en changeant le zonage; il est aussi devenu une propriété municipale et il est doté d’un pavillon d’observation du paysage et d’un pavillon de services aux visiteurs.

Pendant quelques années, il a été une étape de la navette faisant le trajet du Port de Montréal à la marina de Longueuil, via l’île Sainte-Hélène.

 

22. Quai Bickerdike

Le quai Bickerdike est le terminal le plus diversifié du port et la seule partie qui garde son activité portuaire à l’ouest du pont Jacques-Cartier : on y accueille aussi bien des conteneurs et des marchandises diverses et surdimensionnées que des passagers.

On y trouve le transporteur maritime terre-neuvien dont les navires font la liaison avec le port de St-John’s et transportent environ 40 % de tous les biens nécessaires à la population de Terre-Neuve-et-Labrador. Les Îles de la Madeleine sont aussi reliées à Montréal par les navires qui partent de ce quai avec une partie des denrées et du matériel nécessaires aux Madelinots.

Ce site, jugé essentiel pour ses usages maritimes, a pourtant été l’objet, en 1999-2000, d’un projet de parc d'attraction haute technologie, le Technodôme de Heathmount Arts & Entertainment, la compagnie des frères Reichmann. Promettant la création de 16 000 emplois permanents, ces promoteurs immobiliers internationaux reçoivent plusieurs appuis politiques importants malgré une opposition citoyenne vigoureuse. L’incapacité des promoteurs à obtenir que les gouvernements garantissent le projet de 900 millions de dollars les empêche de réunir l'argent nécessaire au financement. Le refus catégorique du port de vendre le quai Bickerdike cloue le cercueil du projet.

 

23. Site de l’ancien quartier Victoriatown / Goose Village

Le site de l’ancien quartier Victoriatown est aujourd’hui occupé par un édifice de Poste Canada et son stationnement (sous lequel se trouvent les vestiges de la ferme des Sœurs grises construite par Marguerite d’Youville en 1751 et démolie en 1931), la distillerie Sazerac (dont certains bâtiments encore existants appartenaient à la distillerie Meaghers établie en 1929), la cimenterie Bonaventure de Lafarge et le stationnement P-10 du Casino de Montréal.

C’est sur une batture au bord du fleuve, où les Autochtones venaient chasser l’oie sauvage, que la Ville de Montréal fait construire 21 hangars de quarantaine pour y recueillir les centaines de milliers de migrants irlandais qui, dès 1847, arrivent à Montréal par bateaux, fuyant l’Irlande et la Grande famine qui y sévit depuis 1845. Les deux premières années de cette migration dramatique, 6 000 personnes moururent du typhus dans ces lazarets et ont été enterrés dans des fosses communes au-dessus desquelles les ouvriers irlandais construisant le pont Victoria ont érigé un simple, mais émouvant monument commémoratif en 1859, le Black Rock ou rocher irlandais.

Après avoir été utilisés comme hébergement et ateliers du chantier de construction du pont Victoria, les hangars sont détruits vers 1862 pour faire place à Victoriatown, un petit quartier qui se structure 10 ans plus tard et qu’on appelle aussi Goose Village, un nom qui évoque la première utilisation du site. On y trouve des familles d’ouvriers, surtout d’origine irlandaise, engagés aux Ateliers du Grand Tronc, dans les abattoirs et salaisons voisins, dans les industries du canal ou au Port de Montréal.

En 1962, la Ville de Montréal exproprie le secteur en prévision de l’organisation d'Expo 67. Il avait été identifié en 1954 comme zone prioritaire de rénovation urbaine par le rapport Dozois. Les 305 familles (soit près de 1 500 habitants) de Victoriatown doivent se résigner à quitter leurs maisons. Parmi eux, près de la moitié sont de nouveaux arrivants d’origine italienne. Un autre quart s’avère d’origine britannique ou irlandaise, tandis que 15 % de la population est canadienne-française. En 1964, les 176 bâtiments vidés tombent sous le pic des démolisseurs afin de faire place à un parc de stationnement, une section de l'autoroute Bonaventure et à l'Autostade, un stade de 25 000 places. Avec les démolitions pour l’élargissement du boulevard Dorchester (1955), pour remplacer le Red Light par les habitations Jeanne-Mance (1956) et du Faubourg à m’lasse pour construire Radio-Canada (1963), cette démolition inaugure une politique d’aménagement urbain basée sur le principe de « la table rase » qui a provoqué, de 1955 à 1975, la démolition de près de 30 000 logements et le déplacement douloureux de plus de 130 000 personnes.

Éloigné du centre-ville, l’Autostade sera détruit en 1977 après le départ de l’équipe professionnelle de football des Alouettes de Montréal. Plusieurs anciens résidents de Goose Village tenteront alors d'organiser la reconstruction du secteur en coopératives, mais le sol sera jugé trop pollué pour y installer des maisons.

La période récente de développement de ce secteur est marquée par la construction du poste Viger d’Hydro-Québec (1981) ainsi que par l’aménagement d’un stationnement de 2 200 places à l’usage de la clientèle du Casino de Montréal. En 2017, le stationnement a été vendu par la Société immobilière du Canada (SIC) à Hydro-Québec pour y construire le nouveau poste des Irlandais qui répondra à la croissance de la demande en électricité et alimentera le futur Réseau express métropolitain (REM). En collaboration avec la communauté irlandaise, la société d’État s’est engagée à intégrer un espace commémoratif à son projet et à réaliser des fouilles archéologiques sur ce site historique encore peu documenté.

 

24. Pointe-Saint-Charles

Le triangle formé par les rues Wellington, Saint-Patrick et De Condé faisait partie de la ferme fortifiée Saint-Gabriel, construite au XVIIe siècle, qui a été scindée en deux par la construction de canal de Lachine en 1821-1825. Seule la rue de la Ferme témoigne de cette occupation rurale. Dans les années 1840 et 1850, les Sulpiciens font lotir leur propriété et les lots seront graduellement acquis par des promoteurs immobiliers et des industriels qui convoitent la proximité de l’écluse Saint-Gabriel.

À la fin du XIXe siècle, on observe une consolidation de l’industrie lourde dans le corridor du canal de Lachine. Aux abords des rues Saint-Columban, Saint-Patrick, Bridge, de la Ferme et De Condé, les quelques industries qu’on y trouve prennent de l’expansion et remplacent plusieurs habitations érigées suite au lotissement de la ferme Saint-Gabriel. Il en reste quelques-unes de grand intérêt au 1232-1234 rue De Condé.

L’arrivée de la Canadian Switch and Spring sur la rue Saint-Patrick en 1898-1899 illustre cette tendance. Elle fabriquait dans sa fonderie du matériel électrique ou à vapeur pour l’équipement roulant des chemins de fer, en lien avec les ateliers de la Pointe-Saint-Charles de la société du Grand Tronc, situés un peu plus au sud et où l’on fabriquait et réparait le matériel roulant de la compagnie. En 1994, la compagnie Agmont, entreprise œuvrant dans le textile, a complètement reconstruit le complexe en ne conservant que la longue façade de plus de 182 mètres longeant le canal. En 1903, la Montréal Steel Works acquière la Canadian Switch and Spring et fait construire un édifice à bureaux remarquable à l’angle des rues Saint-Patrick et Bridge en 1905.

Sur la rue De Condé, on remarque le grand volume du plus ancien édifice industriel du secteur, la clouterie Pillow, Hersey & Co. construite vers 1873-1874. Dans cette grande halle industrielle, on fabrique des clous, des fers à cheval et de la quincaillerie avec des équipements fonctionnant à la vapeur.

 

25. Square Tansey

Au carrefour des rues Wellington, Centre, Grand-Tronc et De Condé, la petite municipalité de Saint-Gabriel aménage un square en 1880. Il prendra le nom de Tansey vers 1950, d’après le nom du conseiller municipal Dennis Tansey, ingénieur, né en Irlande en 1833 et arrivé à Montréal à quatorze ans. Il travaille, entre autres, à la compagnie du Grand-Tronc et prend part à la construction du pont Victoria.

Le square sert de parvis au remarquable édifice de pierre grise, construit en 1900 selon les plans d’Alphonse Raza (1846-1903), de style Beaux-Arts, accompagné d'éléments empruntés au néo-roman et abritant à l’origine la Banque d’Épargne de la Cité et du District de Montréal. Cette banque est fondée en 1846 à l'initiative de l’évêque de Montréal Mgr Bourget dans le but de promouvoir les vertus de l'épargne au sein de la classe ouvrière, comme dans ce quartier populaire du Sud-Ouest qu'est Pointe-Saint-Charles.

 

26. Square Saint-Patrick

Lorsque les Sulpiciens lotissent et vendent leur domaine agricole, le gouvernement de la province du Bas-Canada se porte acquéreur de l’emplacement du futur square qui est partiellement occupé par un étang qui servait probablement à la ferme Saint-Gabriel.

Loué à la municipalité par le gouvernement fédéral, le square prend le nom de Saint-Patrick en 1880 et est aménagé dans les années subséquentes. Il devient propriété de la Ville de Montréal en 1995, la même année où l’on inaugure le pont Wellington qui remplace le vieux tunnel des années 1930 et qui désenclave le quartier Pointe-Saint-Charles en rendant ses secteurs industriels accessibles au gros camionnage.

Le square Saint-Patrick a été réaménagé en partie en 2017 avec un espace événementiel qui accueille, depuis 2016, un festival de films policiers cultes, « Film noir au canal »; une seconde phase devrait transformer le stationnement adjacent.

 

Sources :

  • Dossiers de recherche et d’animation de Montréal Explorations
  • Évolution historique et caractérisation du secteur Bridge-Wellington, mars 2017. Civiliti + Lafontaine & Soucy
  • Bridge – Bonaventure. La Pointe industrieuse. Un secteur à reconnecter. Nicolas Hugo Chebin, collection Société d’histoire de Pointe-Saint-Charles, Les Éditions Histoire Québec, 2018.
  • Propriétés municipales d’intérêt patrimonial, Ville de Montréal
  • L’autoroute Bonaventure – Vision 2025. Synthèse des études du projet de réaménagement, Société du Havre de Montréal, 2005

Crédits photo :

  • Bernard Vallée
  • Fred Tougas